Des armes, des tueurs et des jeux vidéo

Via The Global Sociology Blog, une très intéressante note sur les réactions face à deux tueries récentes - celle en Allemagne, celle en Alabama - sur le Montclair Socioblog : "More Guns, More Killing". Un peu de traduction et quelques commentaires.


"Dans les deux cas, les tueries n'ont été possible que parce que le tueur avait accès à des armes particulièrement mortelles. Oui, l'Allemagne pratique un strict contrôle des armes, mais le père du tueur avait quatre-vingt armes à la maison, et elles étaient probablement toutes légales. C'est ce que certains appellent un "gun nut". D'autres préférent le terme de "gun enthusiast" (on aime l'entjousiasme, alors vous pouvez avoir votre propre arsenal à la maison du moment que vous êtes enthousiaste).
Voilà ma prédiction sur ce qui va se passer. Quelques pays européens, peut-être même l'Allemagne, vont rendre leurs lois sur les armes encore plus strictes. Aux Etats-Unis, les gens vont secoueur la tête, pleurer, prier, et se concentrer sur l'histoire personnelle du tueur et de ses victimes. Est-ce que l'Alabama ou un autre des Etats laxistes sur les armes vont changer leur loirs ? Non, bien sûr que non.
Ici, aux Etats-unis, on se concentrera sur des explications individuelles. "Les authorités sont à la recherche d'un motif" nous dit CNN. C'est malheureux ce qui est arrivé, mais qu'est-ce qu'on n'y peut ? Il est simplement impossible de prévoir quand quelqu'un va péter les plombs.
Les authorités européennes vont penser en terme de situations : comment pouvons-nous changer la situation pour que, aussi dérangé ou en colère que soit quelqu'un, il ne puisse plus commettre un massacre de cette importance ?"


La remarque de Jay Livingstone est très pertinente : il importe en la matière de moins penser en termes de problèmes individuels qu'en termes d'enjeux collectifs - pour le dire comme Charles Wright Mill dans L'imagination sociologique. La place que la société fait aux armes et l'accès des individus à celles-ci ne peuvent pas être oublier en la matière. Mais l'image de pragamatiques autorités européennes est plus un moyen de critiquer un certain état du débat public américain qu'une description fidèle des réactions politiques du vieux continent. En témoigne celle du parlement européen : le coupable fut vite trouvé, ce sont les jeux vidéo ! On se souvient de cette affaire, il y a quelques temps en France, où un jeune garçon fut accusé d'avoir poignardé sa soeur qui refusait de lui donner un jeu vidéo. Ces derniers avaient très vite été mis en cause, avant que l'on ne découvre que c'était la mère elle-même qui avait frappé sa fille, avant de convaincre son fils de raconter ce mensonge. Même jeu ici : les jeux vidéo, coupable idéal, explication magique de la violence, panique morale, etc.

Explication stupide surtout. Le fait de jouer à un jeu vidéo ou de regarder un film peut avoir bien des causes et prendre bien des significations. Pour les comprendre, il faut prendre en compte la situation de la personne au moment où elle joue, situation qui influence le message reçu. On peut jouer à un jeu vidéo violent, et interpréter cette violence de façon différente, la prendre plus ou moins au sérieux. Les jeux vidéos ne créent pas la violence, et il vaudrait mieux s'interroger, tant au niveau individuel que collectif, sur les conditions sociales qui favorisent une interprétation au premier degré de la violence fictive, dans les jeux comme ailleurs. Sinon, comment peut-on expliquer que toutes les personnes qui jouent à des jeux violents, lisent des livres violents, voient des films violents, ne soient pas tous des tueurs ? Les messages chariés par les produits culturels n'existent pas en dehors des interprétations locales qui en sont faites par les personnes, et il serait temps de s'en rendre compte. Il suffirait pour cela de réfléchir un peu comme des sociologues. Mais d'un côté comme de l'autre de l'Atlantique, ce n'est pas gagné.

1 commentaires:

Fr. a dit…

Très intéressante petite traduction ; j'ai tenté d'extrapoler quelques idées à partir de cette note.

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